Lorsque j’ai décidé de partir en Palestine, je n’ai pas perçu un fol enthousiasme parmi mes proches…plutôt de l’incompréhension. Je peux comprendre. Lorsque l’on évoque la Palestine dans les médias, on montre des jeunes, keffiehs autour du cou, qui balancent, de rage et d’impuissance, des pierres et autres projectiles… Je ne nie pas cette réalité.
Mais c’est tellement plus que ça ! La situation est en fait paradoxale : dans cette région où le conflit entre les communautés est latent, je me suis toujours sentie en réelle sécurité ! En Palestine, où les structures familiales sont prégnantes, la délinquance n’est pas de mise. Le peuple Palestinien est un peuple très accueillant. Partout où l’on passe, on nous offre un café à la cardamone, un thé…
Les touristes sont les bienvenus et d’autant plus les français (n’oublions pas que la France a accueilli Arafat en 2004 lorsqu’il a été empoisonné).
Un commerçant a même refusé un jour qu’on le paie, expliquant qu’il fallait le considérer comme un cadeau de bienvenu de sa part.
Finalement, seule la présence des blindés et des patrouilles israéliens rappelle que la paix n’est pas encore, de mise.
C’est un des voyages les plus enrichissants que j’ai pu faire tant sur un plan humain que politique ou religieux. Question religion, je partais de zéro. 12 jours plus tard, j’ai acquis de quoi décrocher le camembert jaune du Trivial plus vite que Trump dégaine ses Tweets à 2 balles… Curieuse mais pas téméraire, j’ai opté pour un circuit organisé (par Point Voyages) et ai rejoint ainsi 6 autres pèlerins sur les traces du Père Abraham…
Depuis la partition prononcée par l’ONU, en 1947, du territoire en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, la Palestine désigne les territoires qui sont sous le contrôle de l’Autorité palestinienne : la Cisjordanie (à l’est de Jérusalem) et la bande de Gaza (sur la côte méditerranéenne), contrôlée par le Hamas et interdite aux Touristes. Depuis les accords d’Oslo de 1993, la Palestine est divisée en trois zones. La zone A (20%) intègre les grandes villes palestiniennes (Jénine, Naplouse, Ramallah, Bethléem, Hébron…), sous contrôle administratif et policier de l’Autorité palestinienne.
Dans la zone B (28%), qui regroupe essentiellement les villages, Israël gère les questions de sécurité.
Quant à la zone C (52%), elle est sous le contrôle de l’État d’Israël. C’est une zone faiblement habitée mais qui comprend néanmoins l’essentiel des ressources hydrauliques et, de fait, les terres les plus fertiles. Toutefois, on apprend au cours du circuit, que les clauses ne sont pas respectées et nombreuses sont les incursions par exemple des militaires israéliens, dans des camps de réfugiés pourtant en zone A.
Père du judaïsme, du christianisme et de l’islam, cité dans les Évangiles, la Torah et le Coran, Abraham vécut entre 2000 et 1800 avant JC. Originaire d’Irak, le futur patriarche relie la Turquie avec sa femme Sarah puis rejoint la Palestine, continue sa pérégrination vers l’Egypte avant de retourner à Hébron où il s’éteint à l’âge de 177 ans ! Avec sa servante Hagar, il aura un fils, Ismaël, qui est l’ancêtre de toutes les tribus arabes. Alors qu’Abraham est centenaire, sa femme Sara accoucha d’un fils légitime, Isaac.
Imaginé en 2004 par l’Université d’Harvard, long (à terme) de 400 kilomètres et traversant quatre pays, le sentier d‘Abraham est moins un itinéraire spirituel qu’une initiative visant à assurer le développement économique d’une région via un tourisme durable et engagé auprès des populations locales.
On marche des villes historiques aux camps bédouins, des paysages désertiques aux plantations d’oliviers en terrasse. Le sentier propose de nombreuses randonnées dans le désert de Judée avec des paysages à couper le souffle (au sens propre comme au sens figuré !).
En traversant des Wadi (paysage désertique fait de canyons et de grottes), on découvre des minuscules enclaves grecques qui abritent quelques-uns des plus beaux monastères au monde.
L’association « Masar Ibrahim Al Khalil » regroupe tous les partenaires (chambres d’hôtes & co) du sentier d’Abraham chez qui vous pourrez vous arrêter manger et dormir (https://masaribrahim.ps). Vous aurez par exemple la possibilité de dormir dans des camps bédouins. Un peu naïvement, j’imaginais l’arrière petit-fils de Lawrence d’Arabie venant à ma rencontre (au ralenti of course) sur son beau cheval blanc et nous emmenant, mon duvet Quechua et moi vers une grande tente blanche où loukoums et thé fumant nous attendraient. On arrête tout et on rembobine.
Les bédouins en Palestine sont sédentaires car s’ils se déplacent, ils prennent le risque de ne plus pouvoir s’installer de nouveau au même endroit. On peut en trouver en périphérie des villes. Il n’est pas rare que la nuit, l’armée israélienne vienne les contrôler ou leur demander de raser une construction supplémentaire. Ils vivent de l’élevage de moutons.
Soyons honnête (c’est la minute « on se dit tout »), si vous aimez votre confort, passez votre chemin. Le lit, c’est un matelas posé à terre. Les douches, parfois inexistantes. Les toilettes souvent à l’autre bout du terrain. Ca n’a pas l’air comme ça mais quand on a vidé la théière le soir en jouant au rami et qu’on doit quitter son duvet en pleine nuit avec sa frontale pour affronter les obstacles en tout genre et tirer la chasse à coup de petites écuelles que l’on plonge dans un grand seau d’eau froide laissé à côté des toilettes turques, on rigole moins ! Je l’ai vécu ailleurs. Depuis, je suis prévoyante et j’arrête tout breuvage après 17h !
Cela ne m’est donc pas arrivé ici et heureusement car entre les rats qui gambadaient sur le toit en tôles ondulées de la petite pièce où nous dormions et les tirs d’entrainement de l’armée israélienne que j’entendais au loin, il aurait fallu me filer beaucoup de shekel (la monnaie locale) pour que je mette une patte dehors !! Mais honnêtement, on oublie vite ces aspects là et beaucoup sont déjà bien équipés, bien que le tourisme débute dans ce pays, comme le camps d’Abou Ismaël et sa famille.
Le périple a également été l’occasion à quelques reprises de dormir dans des camps de réfugiés et échanger avec eux sur leur histoire et leurs espoirs. A Jéricho, nous avons par exemple, logé au camp d’Aqbat Jaber. A Bethléem, l’association IBDDA au camp de Deheisheh vous ouvre ses portes et vous raconte son fonctionnement, ses activités…
La 1ère chose qui m’est venue à l’esprit quand on m’a parlé de Camps de Réfugiés c’est de me dire « Késako un réfugié dans son pays ??? ».
Lors des événements de 1948, les Palestiniens ont été forcés de fuir. Certains se sont cachés dans des grottes quelques temps avant de revenir (côté israéliens désormais) à la fin de la guerre. D’autres ont accepté d’être déplacés vers des camps de réfugiés. Au départ, on donnait une grande tente par famille. Par la suite, l’ONU a construit des petites maisons d’une pièce de 3m2.
Dès les années 60, beaucoup de familles, comprenant qu’elles étaient parties pour rester, ont rasé ces maisons pour en construire de plus spacieuses. Pourtant, au départ, pensant ne partir que quelques jours ou semaines, la plupart avait pris avec eux, la clé de leur maison.
Cette clé est très souvent représentée en Palestine. Elle symbolise l’espoir du retour, même si 3 générations plus tard, les plus jeunes n’expriment pas forcément l’envie de revenir dans un village dont ils ne connaissent rien. Ils ont grandi dans des camps de réfugiés et honnêtement, j’ai eu du mal à faire la distinction entre un camp de réfugié et la ville car ce sont aujourd’hui des centres villes comme les autres, à la différence près que l’on voit parfois des check points ouverts mais que les soldats israéliens referment très vite dès qu’il y a des émeutes.
Le sentier ce n’est pas juste des déserts, c’est aussi l’opportunité de découvrir quelques grandes villes au nom mythiques ou parfois tristement célèbres.
Bethléem est une étape incontournable. La ville jouxte Jérusalem.
En arrivant en ville, ce nous apercevons en premier, ce sont les colonies israéliennes au loin. Nous en verrons tout au long du parcours. Ce que l’on croise également régulièrement lorsque l’on visite la Palestine, ce sont des Check Points.
C’est le quotidien des Palestiniens. Les contrôles sont fréquents et complètement aléatoires. Ainsi, selon les soldats en faction, le passage peut être rapide, peut prendre des heures ou peut être interdit pour toute la journée. Cela participe au manque de maîtrise que les Palestiniens peuvent avoir sur leur vie.
A Bethléem, il n’y a qu’un check point pour 15000 palestiniens qui doivent traverser pour travailler à Jérusalem. Les travailleurs s’y pressent donc dès 4h du matin.
Comme les investissements en Cisjordanie sont très limités à cause de la situation instable et des freins mis par Israël, travailler en Israël est vital pour eux. A Bethléem, vous découvrirez également le Mur de la Honte (10 km de long).
Créé en 2002 par les israéliens (et condamné l’année suivante par l’ONU), il est couvert de graffs plutôt esthétiques sur le thème principalement de la liberté.
Mais la plupart des touristes qui se rendent à Bethléem, viennent pour visiter l’église de la Nativité. Construite au 4ème siècle, sur le lieu présumé de la naissance du christ, elle abrite 3 églises: Orthodoxe, Arménienne et Catholique.
On accède au Saint Graal (la Grotte) par un escalier semi-circulaire. Une étoile marque l’endroit de la naissance de Jésus et juste derrière la mangeoire où le petit Jésus à été langé. Certaines personnes embrassent les murs, le sol, l’essuie avec des tissus pour en retirer sans doute, quelques bénéfices sacrés.
L’endroit est exigu, on est tassé les uns sur les autres…tout cela se fait au pas de course et ne prête pas au recueillement. A proximité de l’église, se trouve la Grotte de Lait.
L’Histoire raconte que la vierge s’y est cachée pour fuir en Égypte suite à l’ordre d’Hérode de tuer les jeunes bébés mâles de chaque famille car il avait entendu dire qu’il serait renversé par l’un d’eux, ayant moins de 2 ans. Pendant son séjour dans la grotte, en allaitant son enfant, Marie laissa tomber une goutte de lait maternel par terre et la grotte se colora alors en blanc.
La ville est la capitale culturelle et administrative de la Palestine, située à 15 kms au nord de Jérusalem. La ville est plutôt riche (beaucoup d’ONG y sont implantées) mais on n’en verra pas grand chose. Nous sommes venus pour le Musée d’Arafat. Son mausolée est protégé par 2 gardes.
J’ai eu un gros coup de cœur pour le musée qui retrace 100 ans d’histoire et de combats (de 1904 à 2004, date de la mort d’Arafat). C’est prenant, c’est émouvant d’autant plus qu’on visite à la fin les quartiers d’Arafat quand il a été assiégé par les Israéliens entre 2001 et 2004 (son bureau, la chambre des gardes, la cuisine) car le musée a été construit autour de El Mouqata’a.
Cela désigne, depuis les Accords d’Oslo de 1993, les bureaux gouvernementaux de l’Autorité palestinienne.
Si vous souhaitez un guide pour la journée, rapprochez vous de l’association Hébron Palestine (http://hebron-france.org).
C’est à Hébron que l’on ressent le plus, les tensions entre colons israéliens et palestiniens.
On note la présence de nombreux colons.
Des rues sont entièrement interdites aux palestiniens ou fermées.
C’est le cas de la rue des martyrs (de nombreux palestiniens y sont morts lors d’intifada).
Pour grignoter du terrain, les israéliens utilisent plusieurs procédés : la présence de centaines de checks points qui rend la vie des palestiniens impossibles, des notifications d’expulsion.
Dès qu’une maison est laissée à l’abandon, les israéliens y plantent un drapeau.
Si vous traversez le souk, vous remarquerez le toit grillagé installé par les Palestiniens pour se protéger des détritus balancés par les soldats et colons des fenêtres des maisons et miradors qui dominent les échoppes.
De nombreuses rues sont en ruines. Toutefois, on croisera également, de nombreux artisans à pied d’œuvre pour reconstruire la vieille ville.
Hébron est considérée comme sainte par les 3 religions. C’est là que l’on trouve le Tombeau des Patriarches. Abraham a acheté pour sa famille une grotte sur ce site et y est enterré. Hérode a fait construire un mur autour de la grotte pour la protéger. En 750, la 1ère mosquée est construite. Suite au massacre de 1994 où un colon israélien tua 29 palestiniens en train de prier, des violences ont suivi et ont conduit à la séparation du site en 2, d’un côté, la Mosquée, de l’autre, une Synagogue.
Les cénotaphes d’Abraham, Sarah, Isaac son fils et Rebecca sa belle fille sont visibles des 2 côtés puisque ces personnages mythiques sont liés aux 2 religions. Chaque année, pendant 10 jours la mosquée devient une synagogue…et pendant 10 jours, la synagogue devient mosquée pour leurs fêtes respectives. J’aime bien le principe.
Voilà ! Je n’ai pas fait preuve d’esprit de synthèse dans ce post (enfin si, si l’on considère mes 19 pages de notes dactylographiées de départ !) mais c’est parce que j’ai l’espoir de donner à quelques uns d’entres vous, l’envie d’y aller, de mettre de côté ses aprioris et craintes car être sur place est vraiment éclairant pour comprendre le conflit israélo-palestiniens. Ok, du point de vue des Palestiniens mais un jour, promis, je ferai le voyage de l’autre côté pour avoir un autre point de vue…pas tout de suite mais un jour…
Et puis pour finir de convaincre les indécis, un petit aperçu de la gastronomie en Palestine :-))
4 Comments
Bonjour,
je suis une femme en provenance du Canada et dans deux semaines, je serai sur la route à arpenter le Sentier d’Abraham.
Comme je suis seule et sans guide, bien que mon itinéraire soit bien tracé, j’ai en ce moment du mal à m’assurer des hébergements.
Est-ce que je dois réserver à l’avance ma place dans des camps ou des guest House, tel que celui de Abat Jaber, ou Deheishen ou Tal Qamar ou si je dois simplement me présenter une fois sur les lieux et demander refuge ?
je vous remercie à l’avance,
Rita-Adèle Beaulieu
Bonjour Rita-Adèle,
Pour ma part, tous les logements avaient été réservés à l’avance. Je ne sais pas ce qui est le plus recommandable.
Vous pouvez vous rendre sur ce site pour avoir plus d’informations:
https://masaribrahim.ps/en/people-places
Je peux sinon vous envoyer en message privé, le mail d’une étudiante palestinienne qui parle français et qui je pense, serait ravie de vous conseiller. Dites moi si cela vous intéresse d’échanger avec elle.
Dans tous les cas, je vous souhaite un très bon voyage ;-))
Laetitia
Bonjour,
Nous avons avec mon épouse comme projet de faire une partie du sentier d’Abraham.
Nous souhaiterions le faire en autonomie, sans guide. Bien que mon itinéraire soit bien tracé, j’ai en ce moment du mal à m’assurer des hébergements. L’objectif serait de faire ce sentier au plus près de la population locale pour développer le tourisme durable.
Le site que vous citez est introuvable. Pourriez-vous nous donner le mail de l’étudiante palestinienne qui parle français pour la contacter.
Comment vous avez fait pour réserver vos hébergement à l’avance ?
Connaissez-vous par ailleurs l’adresse d’un guide local francophone habitant là-bas ?
Merci pour votre réponse.
Bonjour,
Pour une raison que j’ignore, je suis passée à côté de votre message et j’en suis désolée.
Etes vous déjà partis? Avez vous toujours besoin de renseignements?
Je pars quelques jours en vacances mais je serais ravie de vous répondre à mon retour si votre voyage reste à venir.
Bien cordialement
Laetitia