De l’Irlande, je connaissais Dublin et son fameux Temple Bar. Pour poursuivre ma découverte de l’île, j’ai mis le cap plein nord…direction Belfast. On visite l’Irlande du Nord tant pour ses paysages, l’ambiance de ses pubs que son histoire complexe et passionnante.
Impossible de résumer 2000 ans d’histoire ici mais le besoin néanmoins de vous redonner les dates et évènements qui vous donneront quelques clés pour bien appréhender tout ce que vous découvrirez sur place.
Au démarrage, du temps des Celtes, il y avait 4 comtés. Aujourd’hui, l’île en compte 32 : 26 pour la république d’Irlande (Eire) et 6 pour l’Irlande du Nord (Ulster).
L’époque celtique a pris fin avec la christianisation au 5ème siècle et le fameux Saint Patrick ! Au 8ème siècle, ce sont les Vikings qui déferlent sur les pays britanniques.
Enfin, l’Irlande, est colonisée par l’Angleterre à partir du XIIe siècle. La colonisation s’est intensifiée au XVIIe siècle, notamment en Ulster, avec l’installation de colons protestants venus de Grande-Bretagne, parmi une population majoritairement alors, catholique.
En 1641, les irlandais catholiques tentent une première fois de reprendre leur indépendance. En vain.
À partir des années 1650, l’Angleterre renforce son emprise en installant des paysans protestants sur des terres confisquées aux catholiques dans la province d’Ulster.
En 1690, le roi protestant William d’Orange, gagne la bataille de la Boyne, contre le roi exilé, anglais et catholique Jacques II. Cette victoire renforce encore un peu plus le pouvoir des protestants.
L’Orange Day, qui commémore cette victoire, est une fête nord-irlandaise célébrée le 12 juillet, importante pour les unionistes et les loyalistes.
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A partir de là, je dois préciser qui sont les unionistes, loyalistes, nationalistes… car c’est ce qui a été le plus complexe à appréhender au départ pour moi :
D’un côté les nationalistes, généralement catholiques, avec sa branche armée, l’IRA, qui militent pour la réunification des 2 Irlande.
De l’autre, les unionistes, généralement protestants et issus de la classe ouvrière d’Irlande du Nord, avec sa branche armée, les loyalistes d’Ulster, qui militent pour le maintien dans le Royaume Uni.
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On m’avait conseillé la formidable série Derry Girls qui suit le parcours de 5 ados délurés de Londonderry dans les années 90.
18 épisodes : 9 regardés avant de partir 9 en revenant. J’ai réalisé que je suis passé à côté de certains moments clés en ne connaissant pas certains événements. Dans l’épisode Surrounded By The Orange Order, on retrouve les lycéens, catholiques, et leur famille tenter d’échapper à l’Orange Day, ce jour de fête donc pour les protestants :
https://www.youtube.com/watch?v=Y7meZZeYllo
Mais revenons à l’Histoire…
En 1791, galvanisés par ce que les français ont réussi à faire avec la Bastille, un mouvement révolutionnaire pluriconfessionnel mais principalement catholique, voit le jour : la société des « Irlandais Unis ».
Ils se réunissaient dans une des toutes petites rues perpendiculaires à Victoria Street à Belfast (qui pourraient être l’équivalent des traboules lyonnaises). Cherchez-les en vous baladant dans la ville.
Un des plus vieux pubs de Belfast dans une des « traboules » de Belfast. A noter que les bookmakers se trouvent très régulièrement à côté des pubs.
Pour les contrecarrer, les protestants créent une franc maçonnerie: l’Ordre d’Orange, ainsi nommée en souvenir de Guillaume III d’Orange. Suite à une énième répression qui fait 30 000 morts, la Grande-Bretagne proclame, en 1801, l’Union Jack, en unissant totalement l’Irlande au nouveau Royaume-Uni. A cette époque, les anglais anéantissent la manufacture irlandaise naissante en inondant le marché de produits anglais. L’île est alors cantonnée à un rôle de fournisseur de denrées agricoles.
La grande famine (1845-1852) : Vers 1845, le mildiou a anéanti presque intégralement les cultures locales de pommes de terre qui constituaient la nourriture de base de l’immense majorité de la population, la paysannerie irlandaise. A l’époque, un irlandais mangeait en moyenne 6,3 kg de pommes de terre par jour. Les gens se demandent souvent pourquoi ils n’ont pas pêché. En 1839, une grande tempête avait anéanti la flotte de pêche. Il n’y avait quasiment plus de poisson à pêcher en 1845. Par la suite, ils étaient tellement affamés qu’ils n’ont plus eu la force de partir pêcher en mer.
C’est à cette époque que beaucoup ont migré aux Etats Unis. Entre la diaspora (1 million) et les victimes de la famine (1 million), l’Irlande perdra la moitié de sa population et ne retrouvera jamais plus son niveau d’alors.
C’est au Village de la famine (Doagh Famine Village) vers Malin Head que vous découvrirez toute l’histoire des Irlandais à cette époque. La 1ère partie de ce musée en plein air permet de voir des intérieurs de maison reconstitués.
En 1921, après une guerre d’indépendance, des négociations entre le gouvernement britannique et les dirigeants nationalistes irlandais aboutissent au traité de Londres. L’Irlande est partagée :
La partition de l’île s’est faite sur des critères économiques, l’Ulster étant la région la plus développée à l’époque.
Le conflit entre catholiques et protestants en Irlande du Nord, souvent appelé « The Troubles », est un conflit complexe qui mêle questions religieuses, politiques, historiques et identitaires.
A l’origine des Troubles, on retrouve les discriminations (logement, politique, emploi) dont les catholiques font l’objet. Si les Irlandais éprouvent beaucoup d’empathie pour les Palestiniens, c’est car ils perçoivent de nombreuses similitudes dans leur histoire : déplacement, identité nationale dont les questions sont niées, immigration forcée, discrimination, famine. On retrouve, surtout à Belfast, de nombreux signes de soutien (drapeau palestinien, fresques murales…).
Dans les années 60, voyant les marches des droits civiques aux E.U., les catholiques ont commencé à manifester pacifiquement puis de façon plus violente. En 1969, la police étant incapable de contenir le mouvement, le Royaume Uni envoi l’armée, ce qui aggrave les tensions.
L’armée Républicaine Irlandaise (IRA) commence ses attaques terroristes. En face, les loyalistes d’Ulster créent ses branches armées dont l’UVF (Ulster Volonteer Force).
Le dimanche 30 janvier 1972, à Derry, se déroule une marche pacifiste d’habitants catholiques voulant indiquer leur refus des armes et de la violence. Ces personnes désarmées ont essuyé des tirs de l’armée britannique, en plein jour, en pleine rue, sans sommations.
Bilan : 14 morts le jour même (dont 7 enfants) et un, 6 mois plus tard. Le procès qui a eu lieu 30 ans plus tard reconnaît la responsabilité de l’armée britannique et l’innocence totale de toutes les victimes civiles.
Cette journée est nommée le Bloody Sunday (dimanche sanglant). U2 en a fait une très belle chanson : https://www.youtube.com/watch?v=Yv5U0A10hrI
En 1998, un accord de paix est signé avec 3 grandes idées : le partage du gouvernement entre catholiques et protestants – le respect des deux identités (britannique et irlandaise) et le désarmement des groupes paramilitaires.
Les catholiques majoritaires avant l’invasion des britanniques protestants au 12ème siècle ont ensuite longtemps été minoritaires en Irlande du Nord. Depuis 2021, ils sont de nouveau majoritaires sur un plan démographique, ce qui leur permet de gagner de nombreuses batailles législatives. Il est donc fort probable que l’on aille vers une réunification des 2 Irlande.
Actuellement les tensions restent vives. Moins de 9% des enfants fréquentent des écoles mixtes. En boite de nuit, sur le dance floor, les jeunes (ou moins jeunes) qui draguent vous demandent d’abord votre prénom pour savoir si vous êtes catholiques ou protestants et si votre prénom n’est pas suffisamment révélateur, on vous demande où vous avez étudié.
Par ailleurs, la décision du Royaume Uni de quitter l’Europe a ravivé les tensions car l’Irlande du Nord comme l’Ecosse, avait majoritairement répondu non. Une fois de plus, ils ont eu l’impression qu’on décidait pour eux. Par ailleurs, la question des frontières (maritimes notamment) est un sujet épineux.
Ce reportage est très instructif pour comprendre les tensions passées et malheureusement encore actuelles suite notamment au Brexit :
https://www.arte.tv/fr/videos/112300-000-A/irlande-du-nord-la-frontiere-de-tous-les-dangers/
Sur le drapeau Nord Irlandais, on voit une main rouge d’Ulster qui est désormais le symbole des loyalistes protestants, indiquant leur soutien indéfectible à la couronne britannique. La légende dit qu’en 1015, O’Neill, chef de clan scandinave, a organisé une expédition pour prendre possession de l’Irlande.
Il s’associe avec un autre viking et pour déterminer lequel des 2 aura la terre, ils décident que cela sera le 1er qui touchera terre de la main. Voyant que son rival prenait de l’avance à l’approche des côtes, ni une ni deux, il a pris une hache, s’est tranché la main, et l’a envoyé sur le rivage. Simple, rapide, douloureux sans doute mais efficace : cela fit de lui, le 1er roi d’Ulster.
Les signes EIRE sur le sol n’étaient pas que quelques cailloux. L’Irlande étant neutre, cela permettait aux pilotes de se repérer et de leur rappeler que ce n’était pas une zone à bombarder. Il y en avait 80 sur toute l’île. Il en resterait ¼. Un des plus connus est le Eire 80 à Malin Head, le point le plus au nord de l’Irlande.
Cette couleur de porte est emblématique. Plusieurs raisons sont avancées : certains avancent que c’est une volonté de se singulariser après que quelqu’un ait affirmé que toutes les maisons géorgiennes se ressemblaient. Mais pour d’autres, c’était une vengeance des femmes dont les maris ivres rentraient tard. Ainsi, ils passaient leur temps à frapper à la mauvaise porte.
Selon que vous soyez nationalistes ou unionistes, vous appellerez la ville Derry ou LondonDerry.
Vous pouvez y consacrer une journée pour découvrir la ville, vous promener sur ses remparts, traverser le Peace Bridge, voir les fresques murales qui commémorent les victimes du Bloody Sunday ou encore visiter le Free Derry Museum pour comprendre comment les conflits ont impacté la ville.
La côte Nord est le paradis des fans de Games of Thrones. Vous pouvez y consacrer une journée complète : arrêtez-vous d’abord au Château de Dunluce, présenté dans la série, comme la maison des Greyjoy.
Que vous soyez fan ou pas de la série, il faut absolument faire une balade à Giant’s Causeway. Promontoire qui s’avance sur la mer, il est constitué de la juxtaposition de prismes de lave refroidie.
Nous avons fait un stop à Carrick-A-Rede Island pour voir le pont de Corde. 17 euros pour traverser un pont de 30 mètres de long…une belle arnaque… Je n’ai pas compris si le billet comprenait également la balade sur le chemin qui y mène. Mon conseil : avancez vous autant que possible sur le chemin et si c’est effectivement gratuit, vous aurez une très belle vue sur le pont qui sera amplement suffisante.
Enfin, notre dernier arrêt a été pour Dark Hedge, route de 1km avec de belles couleurs et perspectives. Les amoureux de la photo y passent parfois la nuit pour tirer des photos à différentes heures de la journée.
A Belfast, nous logions au sud de la ville, du côté du parc botanique et de l’Université Queens. Quartier sympa.
La rue Botanique est une rue très animée avec de nombreux bars et restos où se retrouvent les étudiants.
Je n’ai jamais pris de moyens de transport et tout fait à pied. Le cœur de la ville (la mairie) n’est qu’à 25 minutes, la prison en revanche, un poil plus loin (environ 50 min).
La prison Crumlin Road : Fermée en 1996, elle se visite et se révèle très intéressante pour comprendre The Troubles.
Peace Wall : Ce qui m’a le plus étonné, c’est le mur de la paix qui ressemble à s’y méprendre au mur de la honte en Palestine. Tout est question de mots…
Malgré l’accord de paix, les passages entre quartiers protestants et quartiers catholiques sont refermés chaque soir, et parfois en journée lorsque les tensions deviennent trop vives.
Dans chaque quartier, vous découvrez des façades entières de murs de maison individuelle ou encore de jardins publics qui rendent hommage à leur « héros » et aux victimes de leur camp.
Quartiers : Shankill Quarter et Gaeltacht Quarter.
Débutez par la visite de la prison puis redescendez à pied vers Peace Wall.
Les peintures murales : Certains les découvrent en taxi. La virée est un peu chère. On les découvre finalement tout au long de nos pérégrinations dans la ville.
L’expérience Titanic : Au 20ème siècle, les principales industries sont le tabac, les chantiers navals, le lin, la corderie. Le musée retrace l’activité de l’entreprise de chantiers navals de Hand and Woolson, principalement la construction du Titanic. Pour l’anecdote, tous les noms des bateaux sortants de ce chantier naval finissaient par -IC.
Nous y avons passé 3H. On ne voit pas le temps passer. On peut également visiter juste à côté (prix inclus dans le billet), le Nomandic qui emmenait les passagers sur les navires.
Les pubs. Nous avons notamment bu un verre :
Ce sera mon seul petit regret : ne pas avoir su trouver de lieux avec de la musique traditionnelle et quelques danses. Mais finalement une bonne raison d’y retourner. On m’avait recommandé de faire une soirée de danses irlandaises au château de Belfast.
J1 : Beauvais / Belfast – Récupération de la voiture de location – London Derry : tour de la ville
J2 : Comte de Donegal : Randonnée à Sleave League (4h de route sur la journée). Un peu long. Privilégiez les randos au nord du Comté, vers Derry ou plus de temps sur Derry pour visiter notamment le Free Derry Museum.
J3 : Comté de Donegal : Heaven pour le point de vue et les Alpagas – Malin Head (le point le plus haut de l’Irlande du Nord) – Musée de la Famine (Doagh Famine Village) – Fort Duncree – redescente par la belle route qui passe par Buncrana.
J4 : Chaussée des géants – Arrivée le soir à Belfast
J5 : Dépôt de la voiture de location – Visite du musée Titanic (comptez 2H30/3h)
J6 : Visite guidée très instructive avec « Belfast à Pied » (https://www.belfast-a-pied.com) – Déjeuner au marché couvert et animé de George Market – Balade au Botanic Garden et dans le quartier de la Queen University
J7 : Visite de la prison de Crumlin Road Goal (2h) et quartier de Comway – Peace wall – City Hall (expo gratuite)
J8 : Belfast – Beauvais